Dix-neuf étudiants de l’Institut Supérieur de l’Automobile et des Transports de Nevers préparent une moto de course : une hypersport électrique. Avec leur prototype, ces étudiants se sont donnés comme objectif de participer au Tourist Trophy dans la catégorie Zero Emissions, en 2022. Alexandre Guidoux, responsable du projet pour l’année scolaire 2020-2021, a accepté de répondre à nos questions.
Quel est votre projet ?
Alexandre Guidoux : « Notre projet s’appelle Electric Motorcycle ISAT. Il a débuté en septembre 2018 et consiste à concevoir et à développer une moto de course 100 % électrique destinée à courir sur la plus prestigieuse des courses sur route : le Tourist Trophy dans la catégorie Zero Emissions. Ce projet regroupe 19 étudiants de première année, tous motards, dont 16 étudiants en formation classique et trois en alternance ».
Le Tourist Trophy Zero est un projet techniquement très complexe…
AG : « Techniquement parlant, ce projet est très ambitieux car nous sommes encore étudiants et par conséquent nous n’avons pas toutes les connaissances nécessaires au développement d’une moto de course électrique. C’est aussi ce qui rend ce projet très intéressant pour nous. Car, en dehors des cours classiques, ce projet impose une vraie démarche pour apprendre de nouvelles compétences en rapport avec notre futur métier. Et bien sur, le tout en travaillant sur un projet passionnant ! »
Quelles embûches avez-vous rencontrées ?
AG : « Nous sommes parfaitement conscients du danger extrême auquel peut faire face le pilote une fois au guidon du prototype. C’est pour cela que nous veillons à travailler avec deux objectifs majeurs en tête : la performance certes, mais aussi et surtout la sécurité du pilote ! »
Comment comptez-vous faire pour dépasser ces complications ?
AG : « Dès la moindre question qui dépasse nos compétences, nous prenons contact soit avec des professionnels du secteur, soit avec les anciens membres du projet, voire même avec les anciens de l’école, c’est aussi cela, la solidarité ISATienne ».
Quel budget faut-il pour créer une moto de course pour le Tourist Trophy Zero ?
AG : « Le budget prévisionnel est de 35 000 €. Avec la crise sanitaire, nous avons eu à chercher des solutions afin de réduire au maximum ce budget. C’est pour cela que nous allons dans un premier temps devoir emprunter des pièces de moto d’origine comme les roues, le système de freins ou les suspensions. Nous nous trouvons aussi dans une phase de recherche de partenaires financiers prêts à nous soutenir pour disposer des fonds nécessaires à la fabrication de notre prototype, prévue à l’été 2021 ».
Quelle ambition pour votre équipe et son prototype ?
AG : « L’objectif est, comme mentionné précédemment, d’engager la moto au Tourist Trophy Zero en 2022. Le développement de la moto se fera dans un premier temps sur circuit fermé. La proximité de notre école avec le circuit de Nevers Magny-Cours fait que nous développerons notre prototype sur la piste « Club » et sur la piste « Grand Prix ». La performance attendue sur le circuit « Grand Prix » est de 1 min 40 s, ce qui correspond à un tour des meilleures sportives japonaises 1000cc. Le record de la catégorie Tourist Trophy Zero est de 18 min 34 s, ce qui correspond à la performance visée pour notre prototype ».
Serez-vous dans les temps pour prendre part au Tourist Trophy Zero de 2022 ?
AG : « Le délai dépend surtout de notre budget. Si nous parvenons à récolter les fonds nécessaires, nous serons en mesure de commencer la fabrication du prototype à l’été 2021, pour débuter les premiers essais à l’automne 2021. L’objectif est d’avoir un prototype avec au minimum 50 heures de roulage avant de l’engager sur une course ».
Quelles sont les spécifications de votre prototype ?
AG : « Nous avons tout d’abord un cadre et un bras oscillant en acier treillis tubulaire. Ce choix a été fait pour la grande rigidité apportée par le cadre treillis. Ce type de cadre permet aussi de réduire les coûts de fabrication par rapport à un cadre périmétrique où un moule est indispensable. Pour une fabrication à l’unité, le treillis tubulaire est le meilleur choix. Les carénages ont été modélisés par les étudiants entre septembre et décembre 2020, et depuis début janvier 2021, des études aérodynamiques numériques sont réalisées afin d’obtenir des carénages les plus performants possible aérodynamiquement parlant. Les carénages seront très probablement réalisés à l’ISAT, en fibre de lin, qui est un matériau sur lequel beaucoup de recherches sont faites à l’école par les enseignants-chercheurs, et qui présente de nombreux avantages par rapport à la fibre de verre ou la fibre de carbone ».
Qu’en est-il de la batterie qui équipera votre prototype ?
AG : « Côté GMP (Groupe MotoPropulseur), le pack batterie est développé par un étudiant, Louis, et sera entièrement réalisé par une entreprise en Chine avec qui nous collaborons depuis septembre. Il s’agira de cellules de technologie Lithium-Polymère LiPo. L’objectif au niveau de la masse est de ne pas dépasser les 230 kg sans pilote. Il est encore difficile de savoir si cet objectif sera atteint, ou pas ».
Pourquoi viser le Tourist Trophy Zero ?
AG : « Le choix du Tourist Trophy Zero est tout à fait pertinent pour un projet étudiant-ingénieur, car les contraintes que subit la moto sont toutes autres par rapport à un circuit où le revêtement est parfaitement lisse. Au Tourist Trophy, le bitume n’est pas toujours un « billard » comme on dit dans le jargon, il y a des trous, des bosses, des sauts… À passer à plus de 200 km/h ! Il y a donc une grande réflexion des étudiants dans le dimensionnement des éléments mécaniques de la machine qui doivent être dimensionnés pour résister à des chocs parfois violents ».
Avez-vous un pilote ?
AG : « Je connais personnellement de très bons pilotes sur circuit, plusieurs fois champions de France Supersport 600cc et Superbike 1000cc, ainsi que des champions du monde d’endurance moto. Le fait qu’ils soient bons sur piste n’implique en rien leurs bonnes compétences sur route, mais s’il faut trouver un pilote spécialisé dans les courses sur route, j’ai déjà quelques noms en tête. Tant que la fabrication du prototype n’est pas lancée, je ne préfère pas contacter de pilotes sous peine de les impliquer dans un projet qui ne verra peut-être pas le jour ».
Pourriez-vous nous expliquer le lien entre ce projet et votre école ?
AG : « Ce projet fait partie intégrante de notre formation d’ingénieur. Nous avons des créneaux réservés aux heures de projet chaque mercredi et jeudi matin. La formation d’ingénieur est divisée en trois départements : mécanique, énergétique et électronique puis enfin infrastructures et réseaux de transport. Les dix-neuf étudiants du projet proviennent des trois départements de l’ISAT, nous pouvons ainsi croiser les différentes compétences acquises dans chaque département. Il y a dans notre école six projets étudiants technologiques, dans des domaines variés que je vous invite à aller regarder sur le site de l’ISAT ! »
Pourquoi une hypersport électrique ?
AG : « L’ISAT est une école spécialisée dans l’automobile et les transports, et jusqu’en 2018, tous les projets étudiants avaient des prototypes à 4 roues. L’équipe qui a lancé ce projet en 2018-2019 a donc voulu créer un projet rassemblant les étudiants passionnés de moto et de sport motocycliste. La tendance actuelle dans l’ingénierie des transports est bien entendu l’électrification des véhicules, voilà donc la raison pour laquelle le projet Electric Motorcycle Isat a été lancé et continue de perdurer aujourd’hui ! »
NDLR : Si vous souhaitez soutenir ce projet ambitieux, et, disons-le clairement : formidable, vous pouvez retrouver sur Facebook le Projet EMI Electric Motorcycle Isat, puis sur Instagram @electricmotorcycleisat.
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