Ghislain Lestienne est le fondateur de Pink Mobility. Avant de diriger cette marque de scooter électrique, il fut durant 17 ans responsable industriel chez PSA-Peugeot Citroën. Celui-ci explique notamment comment et pourquoi il pourrait être possible de produire en France. Rencontre avec l’un des acteurs français de la mobilité électrique qui n’a pas sa langue dans sa poche.
Comment l’électrique est venu à vous ?
Ghislain Lestienne : « Je suis tombé dedans à peine sorti de l’école d’ingénieur. À cette époque-là, j’ai notamment travaillé pour l’Association Nationale pour le Développement de la Mobilité Electrique, l’AVERE. L’AVERE est un représentant des groupements industriels de la mobilité électrique. Elle comporte des fabricants, des équipementiers, des fournisseurs d’électricité, des collectivités locales ou des usagers. En gros, tous ceux qui gravitent dans le monde de la mobilité électrique ».
« Mon expérience avec l’AVERE m’a donné goût à la mobilité électrique, à son dynamisme. C’était déjà il y a plus de vingt ans ! Puis, arrivé chez PSA, je me disais alors qu’on allait pouvoir créer une voiture électrique. Mais le groupe s’est concentré sur le diesel, des choix industriels majeurs ont dû être faits. On est en quelque sorte passé à côté de l’électrique ».
Comment en êtes-vous venu à créer Pink Mobility ?
G.L. : « J’ai beaucoup voyagé. J’ai notamment passé trois ans en Chine. Durant ce long séjour, j’ai littéralement redécouvert la mobilité électrique. Partout, il y avait des vélos, des motos, des scooters… Electriques. Ou des engins indéfinis, qui roulaient grâce à l’électricité. À cette époque, je me suis demandé pourquoi les Chinois, qui ont un pouvoir d’achat relativement faible, ou du moins, moins que les Français, pouvaient rouler en deux roues électriques, et que nous, non ? Je suis rentré en France en 2015 avec l’envie de créer ma propre marque. La mobilité électrique me titillait toujours ! Et en 2016, je lançais Pink Mobility ».
Pourquoi ce nom, de « Pink Mobility » ?
G.L. : « Le premier vélo que j’ai offert à ma femme était rose ! J’aime bien l’idée du rose, ce n’est pas une couleur commune. Nous essayons d’avoir une identité fun, le rose correspond. Par contre, nos produits ne seront jamais roses. Il faut certes un peu de couleur. Des véhicules aux couleurs funs, c’est super pour les salons du deux roues. Mais on sait tous qu’une fois qu’on doit s’acheter un véhicule, on veut du blanc, du noir ou du gris ».
Comment se compose votre entreprise ?
G.L. : « On est une petite quinzaine au total. Nous sommes majoritairement issus de filières techniques. Tout simplement parce que nous concevons et commercialisons des produits techniques. Nous devons à nos clients des scooters fiables. C’est la moindre des choses. Il est normal d’attendre de son scooter électrique ou de sa batterie qu’ils durent sur le long terme ».
Quels modèles de scooter électriques concevez-vous ?
G.L. : « Pink Mobility propose à ce jour quatre scooters électriques équivalents 50 et 125. Le Pink UP, le Pink Me, le Pink Style et le Pink Style Plus. Un maxi-scooter électrique équivalent 125 arrivera avant la fin de l’année 2020 ».
Comment produisez-vous vos scooters ? D’où viennent-ils ?
G.L. : « 100 % de nos produits sont fabriqués en Chine. Je n’ai pas l’habitude de faire de la langue de bois avec ça. C’est quelque chose qui est assumé. En revanche, j’espère un jour pouvoir participer humblement à la réindustrialisation de la France ».
Produire en France, comment comptez-vous faire ?
G.L. : « La mobilité électrique m’a toujours plu. Lancer de nouveaux véhicules. Faire juste de l’import et de la vente ne m’intéresse qu’à moitié. Quand bien même cela peut faire tourner une entreprise. Pour produire en France, nous aurons à commencer par une ligne de montage. Cette première étape permettra d’aller plus loin. En connaissant chaque étape du processus de fabrication, nous pourrons ensuite démarcher des fournisseurs français, voire européens ».
Avez-vous un exemple concret de ce « possible » ?
G.L. : « En région parisienne, en raison de l’état dégradé des routes, nous devons renforcer les supports de caissons. Le surcoût n’est pas excessif. À terme, nous pourrions ainsi commencer à les produire en France, avec un forgeron que nous sollicitons dès à présent pour d’autres travaux. Une amélioration locale qui répond à un vrai besoin ».
Pour produire Pink Mobility en France, qu’est-ce qu’il vous manque ?
G.L. : « Il nous faut un minimum de ventes annuelles pour pouvoir lancer une ligne d’assemblage en France. C’est tout à fait faisable ! Fabriquer en France voudrait dire gagner en qualité : une plus grande connaissance de chaque pièce composant nos scooters, des difficultés rencontrées par nos clients, des améliorations à apporter sur telle ou telle partie du scooter. Autre avantage : économiser des frais de transport lourds ; en effet, dans un conteneur, on peut mettre 50 scooters assemblés ou 100 scooters en pièces détachées. Par ailleurs, le temps d’assemblage pour un scooter est à peine plus long que celui d’un vélo électrique ; un produit qui est aujourd’hui assemblé en France alors qu’il était monté en Chine il y a encore peu. Ainsi le scooter électrique marche sur les pas du vélo électrique… Une chance pour le secteur : nous serons plus réactifs pour progresser, car comme le disait Kiichiro Toyoda : “Quand on part de faits observés et mesurés sur le terrain, l’amélioration n’a pas de limite !” »
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